Mais revenons à l’hypothèse initiale de Frenkian, selon laquelle la «corde-serpent» a été importé en Grèce par Pyrrhon qui en avait entendu parler en Inde. Bien sûr, elle ne correspond nullement aux données chronologiques qui sont en notre possession. Pourtant elle reste la plus simple et la plus convaincante, étant basée sur un minimum de conditions. En plus, Frenkian et quelques autres chercheurs qui partagent son point de vue sur l’origine hindoue de ce thème avancent d’autres arguments plausibles.
La chronologie, en particulier celle de l’Inde, reste encore très imprécise. D’ailleurs, en Grèce, le thème de la «corde-serpent» est beaucoup moins fréquent, tandis que ses versions orientales se retrouvent en Inde dans une quantité de textes, si bien qu’il s’est en quelque sorte enraciné dans la mentalité hindoue et bon nombre de doctrines spirituelles en font un large usage. Serait-il juste de penser qu’un élément d’emprunt ait pu se propager à une si large échelle dans un pays étranger tout en ayant presque disparu dans son pays d’origine?
Pour confirmer la thèse de Frenkian et de tous ceux qui partagent son opinion, il aurait fallu trouver un texte hindou d’avant la campagne d’Alexandre de Macédoine, ce qui aurait constitué un argument de poids. Jusqu’à présent, on n’en a pas trouvé sensu stricto, pourtant certains éléments peuvent être considérés comme des indices de la formation d’un rapprochement entre la corde et le serpent. Dans la Maitri-upaniad (MAIU) on pourrait ainsi trouver in «proto-thème»
mahoragadaa iva viayada $ [Comme celui qui a été mordu par un grand serpent (mahoraga-) — aussi bien celui qui a été mordu par les objets des senses; comme les ténèbres ( -) épaisses — aussi bien les ténèbres de la passion (-)][23].
Dans le cas présent, le plus important est que l’image du serpent soit déjà reliée aux conditions de la perception et mise en relation, ne serait-ce que matièrellement, avec le thème des «ténèbres» (andhakra). Notons, au passage, le jeu de mots caractéristique des Upaniads que nous voyons ici. Il se peut que «l’énorme serpent» (mahoraga: lettéralement ‘le grand-qui-marche-à-plat-ventre’) est évoqué ici comme un rappel de la sonorité du mot «passion» (rga). Dans tous les exemples cités plus haut (ainsi que dans d’autres plus tardifs), le mot employé pour désigner le serpent est sarpa-, ce qui pourrait confirmer cette supposition.
1. PROVERBES a) Occident
On aurait pu s’arrêter là. Chacun peut choisir son propre point de vue sur ce problème, conformément à ces convictions intimes, concernant l’époque et les modes de transmission (par terre ou par mer) du thème en question. Il existe pourtant un détail d’importance. Dans la littérature grecque on retrouve le motif de la «corde-serpent» dans un autre contexte. Il s’agit du traité rhétorique intitulé Du Style
(DE), attribué au (Pseudo-)Démétrius[24]. On y trouve:
L3 (4 ' $& 3, , ( M &0N, O3 ! " P & ! 3 M M[25].
[Il arrive parfois que la peur subie devienne plaisante, quand un se rend compte de son erreur: par exemple, quand quelqu’un ayant pris peur d’une courroie pensant que c’était un serpent, ou d’un trou dans la terre pensant que c’était un gouffre.]
Frenkian mentionne néanmoins ce passage dans son ouvrage. Pourtant le savant roumain, tout en constatant le parallélisme, ne se base aucunement sur cet exemple dans ces conclusions ultérieures. Son critique, Th. McEvilley, — non plus. Et pourtant ce contexte nous semble particulièrement important, et voici pourquoi.
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